Entreprendre dans les cryptomonnaies en France – Rencontre avec Valentin Demé de Cube3
Quel est le point commun entre certains de nos derniers invités, comme Mathias Vallet de Rujiji Capital, Prof Chain de Cryptoast Research ou encore Marc Zeller d’Aave Chan Initiative (ACI) ? Vous avez deviné : Valentin Demé, cofondateur de l’incubateur Cube3 et du média Cryptoast.
Cette semaine, nous plongeons avec enthousiasme dans l’entrepreneuriat de l’écosystème crypto, en compagnie, donc de l’un de ses acteurs les plus impliqués. Cube3, incubateur de start-ups Web3, a vu le jour grâce à Valentin Demé, un véritable artisan du monde crypto.
De Radio Londres avec Hugo Travers à Cryptoast, Valentin nous confie son seul leitmotiv : « L’envie de partager de l’information et d’éduquer les gens sur les nouvelles technologies a toujours été mon moteur. » C’est parti !
Cube3 : Un incubateur pour les startups du Web 3
L’origine de Cube3
Valentin Demé est le CEO de Cube3, un incubateur et accélérateur d’entreprises spécialisé dans le Web 3. Créé pour soutenir et propulser la prochaine génération d’entrepreneurs dans ce domaine, Cube3 a déjà accompagné une dizaine de startups lors de sa première saison et prévoit d’en soutenir quinze de plus l’année prochaine.
Implanté à Angers, la ville où il fait « bon vivre » comme Valentin aime-nous le rappeler, Cube3 bénéficie du soutien des institutions locales et régionales. Cette proximité permet à Cube3 de jouer un rôle dans le développement économique local.
« Aujourd’hui, j’occupe à temps plein le poste de CEO de Cube 3, qui est donc un incubateur accélérateur d’entreprises. Notre job, c’est de structurer, financer et propulser la prochaine génération d’entrepreneurs du secteur du Web 3. On arrive sur la deuxième saison, donc on a commencé à avoir un peu de background. »
La mission de Cube3
L’incubateur se distingue par son approche globale et personnalisée. Valentin souligne que l‘entrepreneuriat est extrêmement difficile, nécessitant des compétences variées et une capacité à gérer plusieurs domaines simultanément.
Cube3 souhaite donc alléger cette charge en offrant un soutien sur mesure aux startups, notamment en matière de réglementation, de marketing, de stratégie et de recrutement.
« La définition d’un incubateur est aussi complexe que celle du Web 3. À mon sens, un entrepreneur doit se concentrer sur son domaine d’expertise. Le but d’un incubateur accélérateur est d’accompagner, de prendre la main et de débloquer des situations pour les entrepreneurs.»
L’accompagnement des start-ups : une priorité
Valentin admet que la définition d’un incubateur peut varier, mais pour lui, il s’agit principalement d‘accompagner les entrepreneurs dans les domaines où ils sont moins compétents. Cela inclut des ateliers hebdomadaires, des sessions individuelles et un réseau de mentors et de conseillers.
« L’entrepreneuriat, c’est extrêmement difficile parce que par définition, ça demande des compétences dans un million de domaines tous les jours et de manière parallélisée. Le but d’un incubateur est d’apporter des compétences et des visions sur des sujets où l’entrepreneur est moins bon.»
Le plus de Cube3 ? Un suivi de l’intérieur avec des vidéos publiées sur leur chaîne YouTube, permettant à la fois de découvrir de nouveaux projets Web3 tout en explorant les coulisses du secteur de l’entrepreneuriat crypto.
Entreprendre dans les cryptos, le parcours du combattant ?
Des défis réels et concrets pour le secteur crypto
Valentin souligne que les défis auxquels font face les startups du Web 3 sont souvent similaires à ceux des entreprises plus traditionnelles. La réglementation, le financement, le recrutement et le marketing sont des obstacles courants, mais ils peuvent être surmontés avec le bon soutien et les bonnes ressources.
« Quand une boîte ouvre et qu’elle doit faire tout ça, c’est plusieurs milliers voire une petite dizaine de milliers d’euros mis bout à bout.»
La régulation : le grand challenge
L’un des plus grands défis pour les entrepreneurs dans les cryptomonnaies est la réglementation. Valentin explique que la régulation est nécessaire pour crédibiliser l’industrie, mais elle peut aussi freiner l’innovation si elle est trop restrictive. « La réglementation française a été plutôt progressive depuis 2017 », reconnaît-il, tout en alertant sur les risques d’une régulation trop stricte qui pourrait étouffer l’innovation.
La régulation MiCA (Markets in Crypto-Assets), récemment adoptée par l’Union Européenne, est un exemple de cadre législatif ayant un impact parfois mauvais sur les entreprises crypto.
Sur le papier, MiCA vise à créer un cadre harmonisé pour les actifs numériques, mettant l’accent sur la protection des consommateurs et la lutte contre le blanchiment d’argent. « MiCA, c’est de la réglementation bancaire à l’état pur », explique Valentin.
Sur le terrain, cette régulation impose des contraintes aux entreprises, notamment en termes de coûts et de conformité. Selon lui, « sur les 120 PSAN qu’il y a, il ne restera peut-être que 15 qui auront l’agrément MiCA ».
Les stablecoins, les premières victimes de MiCA ?
Un point d’actualité s’impose ici. Cette semaine a marqué une étape importante dans la mise en œuvre de MiCA, avec l’introduction de nouvelles législations sur les stablecoins. Pour rappel, MiCA, adoptée en juin 2023, vise à créer un cadre harmonisé pour les actifs numériques dans l’Union Européenne. Ce cadre législatif comprend des règles spécifiques pour les stablecoins, qui sont entrées en vigueur cette semaine.
Les stablecoins, comme Tether (USDT), USD Coin (USDC) et DAI, ont donc été au cœur de cette régulation. MiCA impose des exigences strictes aux émetteurs de stablecoins considérés comme « significatifs », c’est-à-dire ceux qui dépassent certains seuils en termes de capitalisation boursière, nombre de transactions quotidiennes et volume de transactions seront supervisés par l’EBA, l’autorité Bancaire Européenne.Et, c’est ce transfert de la supervision des stablecoins significatifs à l’EBA qui corse la situation.
Par exemple, un stablecoin est considéré comme significatif s’il a une capitalisation boursière supérieure à 5 milliards d’euros, plus de 10 millions de détenteurs de tokens, et un volume quotidien de transactions supérieur à 500 millions d’euros. Cela implique des exigences accrues en termes de capital, de gestion de la liquidité et de conformité réglementaire. Tether, qui est actuellement le plus grand stablecoin du marché avec une capitalisation boursière de 112 milliards de dollars, devra se conformer à ces nouvelles exigences pour continuer à opérer en Europe. Spoiler ici : le géant US a pour le moment décidé de quitter le marché européen.
A contrario, d’autres titans de notre écosystème se sont déjà mis en conformité avec MiCA. Ainsi, des entreprises comme SG-FORGE et Circle ont-elles lancé des stablecoins conformes aux nouvelles régulations, respectivement l’EUROC et l’EUR CoinVertible.
Une conclusion tournée vers l’avenir
Malgré ces défis, Valentin reste optimiste quant à l’avenir de l’entrepreneuriat dans les cryptomonnaies en France. Il voit dans les cryptos et le Web 3 des opportunités immenses pour l’innovation et la création de valeur.
Entre l’évolution rapide des compétences requises, le besoin de financement et la complexité croissante de la réglementation, les entrepreneurs doivent cependant naviguer dans un environnement parfois incertain et dépendant des décisions politiques. Toutefois, avec des initiatives comme Cube3, il est possible de surmonter ces obstacles et de contribuer à la croissance et à la maturation de notre écosystème.
Enfin, à Valentin, le mot de la fin :
« Les entrepreneurs qui prennent le pari de se lancer en France aimeraient avoir un peu plus de considération et d’aide de la part de nos régulateurs (…) Tout ce qui rentre dans les champs d’application de la loi MiCA n’innove plus autant. L’innovation doit continuer, surtout avec les États-Unis qui commencent à se réveiller. Il faut créer un pont entre ce qui est régulé et l’innovation de demain.»
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Magali Bourdou
Co-fondateur